Lettre ouverte n°10 : Colère(s) et revirement de Le Duff : comme nous le pensions …il s’obstine pour Liffré  !

Lettre ouverte n°10 : Colère(s) et revirement de Le Duff : comme nous le pensions …il s’obstine pour Liffré  !

13 mai 2023 0 Par adrien

Lettre ouverte N° 10 de CoLERE Liffré-Cormier du 11/05/2023

Collectif Local pour l'Environement et la Résilience Ecologique

CoLERE : Comité Local pour l’Environnement et la Résilience Ecologique.

Après Pâques, avec les beaux jours, il était grand temps de reprendre notre croisade contre le projet Bridor-Liffré. La 6e marche climat organisée à Rennes, le samedi 22 avril 2023, allait nous en fournir l’occasion. Mais avant de parler de cet évènement, un récapitulatif de l’actualité depuis le début de cette année s’impose.

Le 15 janvier dernier, alors que nous sortions tout juste notre premier communiqué de presse de l’année,1 le maire de Liffré, dans ses vœux2 abondamment relayés par Ouest-France,3 mettait en avant le développement « raisonné » de Liffré et concluait en évoquant le projet Bridor. Apparemment serein à propos des divers recours en justice entrepris, il feignait de s’en remettre au tribunal administratif pour trancher. Une posture facile, sans réelle surprise : en effet, le tribunal administratif avait rendu son jugement deux jours avant concernant le premier recours déposé contre la municipalité de Liffré au sujet de la mise en compatibilité du plan local d’urbanisme pour l’ouverture du secteur d’activités de Sévailles-2, déclarée d’intérêt général par la communauté de communes, jugement dans lequel il déboutait les plaignants.

ll est important de rappeler ici que le tribunal administratif ne se prononce pas sur le débat d’idées et, de ce fait, qu’il ne dit pas si le projet est « bon » ou « mauvais » pour la société, mais qu’il se contente juste de vérifier que l’instruction administrative ne comporte pas de vice de forme ou n’outrepasse pas la loi. Dans notre société, bâtie autour de la liberté d’entreprendre, les lois environnementales sont rarement contraignantes pour les industriels, sauf cas de force majeure.

En résumé, au vu des enjeux soulevés, même si ce premier jugement est en faveur des élus, l’appréciation de l’intérêt pour la collectivité du projet reste une question ouverte sur laquelle les citoyens devraient pouvoir se prononcer. Pourtant nos élus n’ont pas souhaité les consulter par voie référendaire.4 Cette décision est largement motivée par le fait que le tribunal administratif a décidé de suivre les élus dans la reconnaissance d’un caractère d’intérêt général au projet Bridor-Liffré, caractère qui autorise de fait un certain nombre de renoncements environnementaux de la part des collectivités et de l’état, renoncements que dénonçaient précisément les plaignants dans leur recours. En tant qu’opposants au projet, le temps des recours juridiques est avant tout pour nous une opportunité pour faire émerger une prise de conscience collective et massifier la réaction de rejet. Assez logiquement, c’est avec satisfaction que nous avons constaté que La Nature en Ville ainsi que quelques autres plaignants faisaient appel de cette décision. En effet, le caractère d’intérêt général du projet est largement contestable. Quel est-il maintenant que le gouvernement a annoncé la fin de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en 2024.5 ? Cette taxe, bien plus que la cotisation foncière (CFE), représente l’essentiel des recettes financières tant attendues pour la communauté de communes.6 Que reste-il comme apport pour la collectivité à part cinq cents hypothétiques emplois promis7 dans un territoire où le taux de chômage est un des plus bas de France8 ? En revanche, les dommages écologiques (irréversibles) du projet sont, quant à eux, bien établis.

Suite à cet appel, Louis Le Duff, qui avait pourtant annoncé dans la presse abandonner temporairement ses ambitions liffréennes pour partir à l’étranger,9 refaisait publiquement une « colère » au motif que « rien » n’avançait à propos de son projet.10 Peu après, son équipe dirigeante mettait en avant son « bon droit » à conduire ce projet dans la presse économique.11 Pour eux, ce « bon droit » se résume à l’autorisation préfectorale obtenue suite à la procédure administrative et aux mesures de compensation environnementales qu’ils comptent mettre en œuvre (lesquelles, rappelons-le, sont obligatoires selon la loi). Ceci alors que nombre de journalistes dénoncent la partialité des enquêtes publiques quand les projets sont soutenus par les élus12,13 ou le leurre que constituent en général les compensations environnementales.14 Ce revirement du patron de Bridor est cependant sans surprise pour nous,15 car la menace de partir n’était qu’un moyen commode pour « mettre la pression » aux élus qui soutiennent le dossier. Comme nous l’avons précisé plusieurs fois,1 les subventions indirectes et cadeaux consentis par eux pour l’installation de cette entreprise à Liffré sont bien trop alléchants pour dissuader cet insatiable profiteur de s’installer chez nous. D’ailleurs, son sens commun collectif, tant vanté dans le projet, sera mis à mal peu après, car certaines de ses entreprises seront épinglées par divers médias pour avoir maintenu leur présence en Russie, et ce, malgré les injonctions de la France et de la communauté internationale de s’en retirer.16

A la même période, Jean-Marc Esnault,17 directeur de « The Land » (Campus privé porté par le monde agricole conventionnel et l’agroalimentaire) tentait de faire passer le projet Bridor-Liffré pour une relocalisation industrielle ! Sachant que la production de cette usine sera entièrement destinée à l’export et que les intrants sont tous extérieurs à la région, que va-t-on réellement relocaliser à part les nuisances environnementales ? C’est d’ailleurs ce que ce dernier reconnait en disant : « …l’entreprise qui ne se développe pas sur notre territoire, c’est parfois une entreprise qui va se développer un peu plus loin, avec des impacts écologiques qui sont encore plus forts. » En bref : il vaut mieux avoir les dégâts environnementaux chez nous, car au moins ils seront limités par la loi française. Alors que les alertes sur l’eau s’enchaînent dans la presse depuis le début de l’année,18 dont une émanant même du Président de bassin Loire Bretagne,19 les Liffréens apprécieront… Pour nous, « The Land » s’illustre surtout comme une structure au service de l’agrobusiness permettant de valider, sous couvert d’écologie, des projets destructeurs pour l’environnement, et, dans le cas présent, un projet sous-tendu par un modèle économique breton inamovible menaçant le bien-vivre local. Au regard de ce qui nous attend, ce projet pourrait bien se terminer en friche industrielle au bout de quelques années d’exploitation. Bref, comme l’illustre abondamment Nicolas Legendre dans son dernier livre20 paru le 12 avril,21 le lobby agro-alimentaire breton et ses affidés politiques ne sont plus à une manigance près pour perpétuer leur domination économique.

Alors que Le Duff trépignait de contrariété dans la presse, nous organisions, fin février, une randonnée publique autour de son site de Servon.22 Cette excursion a rassemblé une cinquantaine de participants. Elle a permis à nombre d’entre eux de se confronter à la réalité d’une unité de production telle que celle prévue à Liffré, mais 3 fois plus petite. Suite à cette découverte, il a été tout à fait clair pour eux, grâce à divers témoignages obtenus sur le parcours, que ce type d’entreprise est loin de susciter l’adhésion des riverains, tant ses nuisances (visuelles, sonores, olfactives, liées au trafic, etc.) sont importantes.

Enfin, le 22 avril, le jour de la Terre23 nous a permis d’effectuer plus ouvertement notre retour militant en co-organisant la 6e marche pour le Climat avec la Nature en Ville. Cette manifestation était plus que nécessaire pour rappeler les impératifs environnementaux, car le GIEC vient juste de rendre public son sixième rapport24 et ses conclusions sont plus alarmistes que jamais. Pour les résumer en quelques mots : si nous ne réagissons pas très rapidement, les 2 degrés supplémentaires attendus en 2050, le seront pour 2030, c’est-à-dire déjà dans sept ans!

La diminution de la ressource en eau partout en France est également sensible en Bretagne, et plus sévère en Bretagne « est ». Cela favorise le développement des incendies, comme à Liffré l’an passé25 et récemment dans les Pyrénées,26 causant des dommages forestiers dans des communes déjà rationnées en eau et/ou qui ont perdu leur zone de captage d’eau (à Liffré, le captage de Champ Fleury a été fermé par le Préfet en 2009 en raison de la pollution aux pesticides …). Malgré l’été caniculaire qui nous est prédit et le fait que les nappes phréatiques peinent à se recharger, aucun arrêté sécheresse n’a été pris. Pire ! Comme partout en France, des retenues d’eau comme les méga-bassines continuent d’être construites pour le seul bénéfice de quelques-uns afin de perpétuer un modèle agricole toujours plus intensif et essentiellement tourné vers l’export.27 La privatisation des ressources en eau va bon train et commence à poser question dans certains territoires comme à Grigny dans l’Essonne où Coca Cola ponctionne la nappe phréatique pour fabriquer ses sodas.28 N’avons-nous donc rien appris après trois années de pandémie de COVID-19 ? Est-il encore possible de douter que l’économie mondialisée, sur laquelle ce modèle s’appuie, est un colosse aux pieds d’argile ? Partout, mais plus encore en Bretagne, les eaux sont polluées, ici par les nitrates,29 là par des taux de pesticides inquiétants.30 Même si le S-métolachlore vient d’être courageusement interdit au grand dam de la fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA),31 d’autres pesticides dangereux pour la biodiversité voient leurs autorisations prolongées,32 toujours afin de maintenir ce modèle agro-alimentaire qui détruit irréversiblement notre planète. Plus que jamais, si nous voulons un avenir viable pour les générations futures, il est temps de réaliser que les efforts individuels visant à épargner l’écosystème ou préserver les ressources,33 même s’ils seront un jour probablement nécessaires, ne peuvent se substituer efficacement à l’action collective, seule capable actuellement de changer politiquement notre société à temps, afin de la rendre plus respectueuse de la nature et, de ce fait, plus résiliente.

C’est précisément pour cette raison que nous avons tenu à démarrer symboliquement cette sixième marche climat devant le siège du Groupe Le Duff à Rennes, car nous comptions rappeler, en préambule, aux participants ce qu’était le projet Bridor-Liffré.34 Bridor-Liffré, c’est avant tout un projet emblématique d’un productivisme effréné dont nous ne voulons plus. En effet, il coche toutes les mauvaises cases, à savoir :

1) L’accaparement de terres cultivables et l’artificialisation de celles-ci : 21 ha dont au moins 5-6 ha de zones humides !

2) Un modèle économique passéiste, non local, avec un bilan carbone désastreux : 650 tonnes de viennoiseries par jour destinées à l’export (hors continent européen) !

3) Une prédation grave sur l’eau potable et une mise à mal sévère de la ressource en eau locale : avec 200 000 m3 consommés, dont 75 000 m3 rejetés pollués, par épandage sur 221 ha de terres agricoles, et tout cela au prix de la destruction d’une tête de bassin versant (le Chevré) !

Malgré ce bilan catastrophique, comment peut-il encore y avoir des personnalités politiques motivées pour défendre ce projet ? Pourquoi ? Simplement car il incarne à lui seul un modèle productiviste qui s’est enraciné en Bretagne depuis l’après-guerre, un modèle défendu bec-et-ongles par le lobby agro-alimentaire breton, dont Bridor est l’un des fleurons sur le plan économique. Par ses pratiques intensives et ses analyses écolo- et climato-septiques, ce lobby est à l’origine d’une confiscation des sols au profit de quelques-uns et surtout d’une pollution sans précédent des eaux bretonnes. Faiseur de rois au plan politique, il empêche, à ce jour, le retour d’une agriculture plus diversifiée, plus locale, permettant un commerce de proximité.20

Si, comme nous, vous pensez qu’il est grand temps que le lobby agro-alimentaire réforme son fonctionnement, venez nous rejoindre pour dire « non » à Louis Le Duff et aux élus qui soutiennent son projet le samedi 10 juin prochain à Liffré, pour une nouvelle journée de protestation contre ce projet aquavore, climaticide et écocide.

Clamons ensemble : « Non, Monsieur Le Duff, nous ne mangerons pas de ces croissants-là, car ils vont très certainement finir par étouffer nos enfants ! »

1 « Les bonnes résolutions de nos élus pour le projet Bridor-Liffré en 2023 : parmi les multiples coûts induits pour les habitants figurera aussi l’eau ! » ; communiqué du 15/01/23 (sur notre site internet).

2 Vœux du maire ; Le liffréen magazine, janvier 2023.

3 « La ville poursuit son développement raisonné »; Ouest-France (13/01/23)

4 Voir : « Des habitants réclament un référendum sur Bridor » par K. Cherloneix, Ouest-France (30/11/21).

5 Voir à ce propos: « Bientôt la retraite à 70 ans ?» par M. Zemmour, Le monde diplomatique N° 824 (nov. 2022).

6 La CVAE et la cotisation foncière des entreprises (CFE) constituent les principales ressources financières revenant à LCC, or la première est souvent bien plus conséquente, car indexée sur le chiffre d’affaire, l’autre ne concerne que la valeur locative.

7 Promesse non contraignante pour le Groupe Le Duff, pour des emplois également ouverts à la mobilité interne, alors que Bridor modernise constamment ses lignes sur ses deux sites proches (<60 km) de Servon et Louverné. Pour une analyse critique plus exhaustive des emplois fournis par le projet, voir notre lettre ouverte N° 7 (13/03/22) ; « Projet Bridor-3 : deux avis négatifs de l’OFB presque passés sous silence lors de l’enquête publique en cours ! » (sur notre site internet).

8 Le taux de chômage (5,6 %) à Liffré est le plus bas de Bretagne. Voir à ce propos : « Trois réfugiées ukrainiennes recrutées chez Lidl » ; Ouest-France (09/08/22).

9 « Usine Bridor à Liffré, je ne vais pas encore attendre dix ans, tonne Louis Le Duff », S. Nohra, Ouest-France (07/11/22).

10 « Projet d’usine Bridor à Liffré. « Nous sommes en 2023 et rien n’avance » s’agace Louis Le Duff » ; Ouest-France (25/02/23).

11 « Bridor défend son « bon droit » pour son projet d’usine à Liffré » par B. Coupin, Le journal des entreprises (06/03/23).

12 « Il faut que les enquêtes publiques aient le pouvoir d’interrompre les projets d’aménagement » par T. Sardier, Libération (08/11/22).

13 « Les enquêtes d’ « utilité publique »  sont faites pour être inutiles » par M. Lerolle; Reporterre (28/11/2019).

14 « Grands projets destructeurs : l’esbroufe de la compensation écologique » par M. Astier; Reporterre (06/09/2019).

15 Voir notre lettre ouverte N°9 (05/12/22) ; « Quand Le Duff et ses amis veulent siffler la fin de la récré… » (sur notre site internet).

16 « Elles ne sont pas parties » ; Le canard enchaîné (01/03/23).

17 « La relocalisation industrielle, « enjeu majeur «  du projet Bridor à Liffré, selon le directeur de The Land» (vidéo) ; Le Télégramme (22/02/23).

18 « La Bretagne mobilisée pour parer une nouvelle crise sécheresse » ; Le télégramme (22/02/23).

19 « Consommation en eau : « On a un souci en Ille-et-Vilaine », alerte Thierry Burlot » par P. Créhange ; Le télégramme (23/01/23).

20 « Silence dans les champs » de N. Legendre, Arthaud, 2023 (352 pages).

21 Le lecteur curieux pourra en trouver des morceaux choisis dans une série de cinq articles parus dans Le monde. Pour le premier, voir : « L’industrie agroalimentaire, un entrelacs de pouvoir et d’argent en terres bretonnes (1/5)» par N. Legendre ; Le monde (03/04/23).

22 « Usine Bridor : Une « rando découverte » autour du site de Servon-sur-Vilaine des opposants au projet liffréen » ; Le télégramme (25/02/23).

23 Célébrée le 22 avril, il s’agit d’une manifestation annuelle née aux Etats-Unis en 1973 consacrée à mettre en avant les causes environnementales au sein de la société civile.

24 Voir : https://www.ecologie.gouv.fr/travaux-du-giec.

25 « Incendie en Ille-et-Vilaine. En 2022, 200 hectares ont brûlé » ; Ouest-France (08/10/22).

26 « Pourquoi le premier incendie de la saison, dans les Pyrénées-Orientales, est si grand et si précoce » par M. Mainguet ; Ouest-France (17/04/23).

27 « Voici sept chiffres importants à retenir sur les très critiquées « méga-bassines »»; Ouest-France (24/03/23).

28 « La ville de Grigny trouve un accord pour que Coca-Cola cesse de puiser dans la nappe phréatique » ; Ouest-France (26/04/23).

29 A ce propos, voir : (a) « Les algues vertes » de Pierre Van Hove & Inès Léraux, Delcourt Ed., 2019 ou (b) « Les marées vertes, 40 clés pour comprendre » d’Alain Ménesguen, Ed. Quae, 2018.

30 « Le S-métolachlore, cet herbicide présent dans toutes les rivières » par P. Hervé ; Ouest-France (19/08/22).

31 « Agriculture : l’ANSES confirme le retrait du S-métolachlore en France » ; Ouest-France (20/04/23).

32 « Eau potable : on ne nous donne pas les moyens d’assurer la qualité » par K. Stent ; Ouest-France (06/04/23).

33 Voir par exemple : (a) « Le grand défi énergie et eau – Liffré s’est mobilisé », Le liffréen magazine, avril/mai 2021, p. 21 ou (b) « Agissons pour le climat », Quoi de 9 (N° 10), mars-avril 2022, édito et p. 6.

34 « A Rennes, une centaine d’opposants au projet Bridor marchent pour le climat » ; Le télégramme (22/04/23).

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