Conclusions sur le retrait de Bridor à Liffré

19 juillet 2023 7 Par adrien

Conclusions de CoLERE sur le retrait du projet Bridor-Liffré par Louis Le Duff et bilan de la manifestation du 10 juin 2023

Ce retrait est incontestablement un grand moment pour CoLERE, mais c’est avant tout une victoire collective. Il convient donc de remercier d’abord l’ensemble des partenaires qui ont œuvré à nos côtés pour s’opposer à ce projet écocide. Rappelons que l’abandon du projet sauve non seulement les 21ha de terres agricoles, mais aussi 221ha de pollutions certaines dans Liffré : épandages des eaux usées et d’un flux quotidien impressionnant de camions (~160 semi remorques et 500 VL). C’est grâce à eux (notamment les associations et les partis) que nous avons pu porter au niveau national les enjeux de notre lutte, laquelle a pu ainsi devenir populaire de par son caractère particulièrement emblématique, caractère sur lequel nous reviendrons plus loin. Il convient aussi de rendre hommage ici aux membres fondateurs de CoLERE (ils se seront reconnus), mais également à tous ceux qui se sont mobilisés pour informer la population locale des enjeux (porte-à-porte) ces derniers mois. Enfin, on peut encore avoir une pensée pour celui qui a eu le courage de nous rejoindre en mettant fin à son mandat électoral, car une telle force de conviction est remarquable chez un élu et mérite d’être saluée, voire chaleureusement remercier le président de La nature en ville, dont l’association nous a indéfectiblement soutenu dans notre combat. Passons maintenant à une analyse plus approfondie de cet évènement, car plusieurs conclusions s’imposent à nous…

La première, c’est, qu’à rebours de tout ce qu’il pourrait sembler en écoutant les médias, nous avons probablement fait gagner de l’argent à Monsieur LE DUFF ! En effet, il ne faut pas être un bien grand clerc pour se rendre compte que ce projet n’était commercialement pas viable sur le long terme dans le contexte actuel, avec l’inflation grandissante sur les denrées et les carburants résultant de la guerre en Ukraine, ni même à l’avenir, avec les pénuries sur l’eau qui semblent se confirmer avec plus de force pour la prochaine décennie… Même si nous avons privé nos concitoyens de cinq cents hypothétiques emplois, nous les avons fort certainement aussi sauvés d’une friche industrielle sur Sévailles-2, d’ici dix ans, avec des dégâts collatéraux irréparables sur le réseau aquifère local. Contrairement aux élus en faveur du projet, Monsieur Le Duff n’a pas été bien long à s’en rendre compte, car il n’a même pas daigné aller au bout des procès en cours…

La seconde, c’est l’inanité de leurs attaques concernant notre supposée radicalité, voire de notre non-représentativité, reprise en boucle par certains médias. Ces critiques n’auraient pas lieu d’être si les élus avaient accédé à notre demande de référendum concernant le projet, dès que nous l’avions proposée(septembre 2021). Que craignaient-ils donc, ces élus, s’ils étaient réellement convaincus d’avoir raison ? Heureusement, depuis le passage en force de la réforme des retraites contre l’avis majoritaire de la population, il n’est plus nécessaire de convaincre les gens, que, désormais, les intérêts que défendent certains de nos hommes politiques peuvent-être divergents de ceux que souhaite le plus grand nombre d’entre nous et qu’un minimum de vigilance à leur égard s’impose en retour…

La troisième, c’est la vacuité de l’argument consistant à dire que ce projet aurait permis de relocaliser l’industrie, notion que nous revendiquons aussi lorsqu’elle prend du sens, c’est-à-dire quand, soit la matière première, soit les denrées ou les produits finis, voire même des savoir-faire essentiels, se retrouvent au plus près des consommateurs, économisant ainsi des frais de logistique ou perpétuant la connaissance. Cependant, dans le cas de Bridor-Liffré, cet argument est complètement fallacieux, car la totalité de la production se destinait à l’export (hors continent) alors que les intrants étaient tous non régionaux. Quant au « savoir-faire » éventuellement perdu, nous espérons bien que nos artisans boulangers sauront encore faire des petits pains demain, même si Bridor n’est plus là !

Au final, il faut rappeler que ce projet Bridor-Liffré était particulièrement emblématique pour plusieurs autres conflits locaux centrés autour de l’industrialisation de zones naturelles à travers la France, dans le sens où il illustrait parfaitement, et de manière très caricaturale, la confrontation entre les intérêts de la population locale et ceux du lobby agroalimentaire, lesquels sont absolument contradictoires avec les mesures à prendre pour préparer le futur dans le cadre du réchauffement climatique annoncé… C’est d’ailleurs aussi ce que dénonce le tout récent livre intitulé « Silence dans les champs »  de N. Legendre ou le film à venir « Les algues vertes » de Pierre Jolivet, inspiré de la bande dessinée à succès éponyme d’Inès Léraux. A travers ces témoignages poignants, il apparaît de plus en plus clairement que, pour le bien de tous, il va, tôt ou tard, falloir sérieusement réformer les pratiques productivistes du lobby agro-alimentaire breton. Peut-être est-ce aussi dans cette conjoncture particulière qu’il faut analyser le retrait de ce projet ?

Voilà, entre-autres, quelques propos que nous avons tenus le 10 juin dernier à Liffré en préambule de la manifestation visant à célébrer le retrait du projet. Autant ce retrait, annoncé la semaine précédant notre manifestation, que le mauvais temps prévu à Liffré par la météo, ont possiblement démobilisé une partie des opposants au projet parmi ceux qui comptaient initialement venir, d’autant plus que d’autres luttes en cours appelaient à des mobilisations ailleurs sur le territoire. Malgré tout, nous étions quand même deux cents à défiler dans les rues de Liffré et un peu moins l’après-midi pour participer aux deux tables rondes organisées à Sévailles-2. Nous tenons donc à remercier chaleureusement l’ensemble de ces participants, mais aussi tous les intervenants de la journée et, plus largement, tous ceux qui ont directement ou indirectement contribué à cette victoire. Comme le rappelait notre porte-parole à l’issue de son allocution, le changement de société pour préparer le réchauffement climatique ne se fera pas spontanément par voie politique, tant les intérêts financiers en jeu sont grands. D’autres mobilisations populaires d’ampleur autour de luttes locales seront encore nécessaires si nous voulons laisser un futur vivable à nos enfants, aussi nous espérons que vous avez toujours la pêche et vous donnons rendez-vous prochainement à l’une d’entre elles.