Déclaration de CoLERE lors de la conférence de presse sur le projet Bridor à Liffré, le 25 novembre 2022 (à Sévailles-2)

Déclaration de CoLERE lors de la conférence de presse sur le projet Bridor à Liffré, le 25 novembre 2022 (à Sévailles-2)

26 novembre 2022 1 Par adrien
Collectif Local pour l'Environement et la Résilience Ecologique

Mesdames et Messieurs les journalistes,
Notre collectif est très content de recevoir ce nouveau soutien politique venant d’une instance nationale d’EELV dans cette période où nous, ainsi que tous les opposants au projet de construction d’une unité de production de viennoiseries surgelées de la marque Bridor à Liffré sommes violemment attaqués et critiqués par la presse économique et le MEDEF. On nous accuse ainsi d’être des activistes écologistes, de ne pas résider à Liffré et d’être une minorité bourgeoise irresponsable, de ne pas valoriser le travail et de vouloir faire fuir les entrepreneurs et tout ceci au grand dam de la population de LCC qui serait gagnée au projet.


Permettez-nous, ici, de rappeler quelques faits à propos de ce projet pour re-contextualiser notre opposition à celui-ci :

  • Rappelons d’abord que parmi de multiples nuisances environnementales sur lesquelles nous n’allons pas nous appesantir ici (sonores, lumineuse, écologiques, liées au trafic automobile ou routier, à la pollution, aux gaz à effet de serre), l’unité de production de viennoiseries Bridor-3 devrait capter annuellement un volume d’eau correspondant à la moitié de la consommation actuelle d’eau potable de Liffré (200 000 m3) et entraîner, lors de sa construction, l’artificialisation d’une surface comprise entre 20 et 30 stades de foot, et ce, sur une tête de bassin versant du Chevré comprenant plusieurs zones humides. Rappelons également que plus de 30% de la quantité d’eau captée sera retournée au réseau hydrologique par épandage des effluents industriels générés (après lavage des lignes de production, c’est-à-dire enrichis en détergents). Autrement dit, cette usine aura un IMPACT MAJEUR sur l’eau et sur sa qualité.
  • Rappelons ensuite que tout ceci arrive dans un contexte où, d’après les syndicats de gestion de l’eau, la plupart des cours d’eau d’Ille et Vilaine, dérogent aux normes de potabilité recommandées, car seuls 3% de la masse d’eau globale respectent actuellement les normes de qualité européennes.
  • Rappelons aussi que tout ceci survient alors que nous avons connu un été caniculaire avec des restrictions d’eau sans précédent ! Pourtant cet acteur économique n’était pas encore présent ; qu’en sera-t-il alors, si jamais cela arrivait ?
  • Rappelons encore que ce problème de l’eau (tout comme celui de la pollution de l’air) ne concerne pas uniquement les liffréens, mais (dans le cas de l’eau) plus généralement l’ensemble des habitants partageant le même bassin versant, voire même l’ensemble des bretons, car en dehors du bassin versant, l’Ille-et-Vilaine importe actuellement de l’eau des autres départements.
  • Enfin, concernant cette usine, rappelons que si la quasi-totalité des intrants viendra de l’extérieur de la région, la totalité de sa production se destinera à l’export (650 T/jour), donc elle ne fera pas tourner l’économie locale et ne répondra à aucun besoin local. Ce n’est pas très surprenant, car avec deux unités du même groupe déjà présentes à Servon et Louverné, aucune demande locale n’était à espérer… Même si ce groupe est actuellement en expansion, force est de constater que son modèle économique est représentatif du « monde d’avant », un monde où le carburant n’était pas cher et où les ressources semblaient infinies. Il ne faut pas être visionnaire pour anticiper que ces logiques ne survivront pas longtemps aux réalités du réchauffement climatique. Et alors, qu’adviendra-t-il de l’unité Bridor-Liffré si elle se construisait demain, sachant qu’elle mettra 10 ans avant d’être achevée?

Comme on le voit, au-delà de l’écologie, ce qui motive notre lutte, ce n’est pas une opposition dogmatique au travail ou à l’industrialisation, mais c’est avant tout de protéger des ressources naturelles indispensables à notre qualité de vie, d’abord localement et ensuite plus largement pour la Bretagne. A cet égard, notre collectif comprend et mobilise largement des liffréens, mais pas uniquement, et, idéologiquement parlant, il rassemble des gens qui sont évidemment des écologistes, mais pas exclusivement non plus. Parfois il s’agit juste de gens qui se tournent vers l’avenir en regardant le réchauffement climatique avec inquiétude, plus particulièrement eu égard à leurs enfants … Ainsi, à notre avis, préparer le réchauffement climatique en Bretagne c’est d’abord se dégager de visions à court terme, telles que celles qu’affectionne une économie mue par la compétition. C’est aussi, par exemple, reconquérir la qualité de l’eau et s’organiser pour mieux maîtriser son partage équitable entre tous.

Avant de conclure, nous voudrions aussi dire quelques mots sur les 500 emplois promis par le groupe Le Duff à l’horizon 2030, emplois sans-cesse mis en avant pour justifier ce projet. Outre le fait qu’il s’agisse là d’une promesse sans obligation contractuelle et que ces emplois soient ouverts à la mutation interne (c’est-à-dire que Bridor-Liffré pourrait bien capter des postes liés à la modernisation des chaînes de production dans les deux sites voisins d’ici 2030), nous tenons à rappeler qu’au regard de la surface sacrifiée, ce nombre reste toutefois modeste en comparaison d’autres types d’industries. Ainsi, une simple occupation du site par des PME produirait un nombre d’emplois sensiblement équivalent, mais bien plus stables, car dépendants de plusieurs employeurs. Nous notons également qu’environ 70% des emplois promis correspondent à des salaires assez modestes et ne permettront probablement pas à leurs bénéficiaires de s’installer à Liffré ou aux environs (en tout cas au prix actuel de l’immobilier). Ces emplois seront donc source de déplacements supplémentaires. Par ailleurs, ces emplois ne répondent pas à un besoin local et vont en revanche contribuer à la perte d’un savoir-faire artisanal au sein de la population, une tendance tout à fait opposée à ce qu’il serait désirable de faire pour préparer l’avenir, car elle augmentera la dépendance de l’homme à la machine. Bref, pour nous, préparer le futur ce n’est pas fournir ces 500 postes à un tel prix écologique et sociétal, mais ce serait plutôt réfléchir à des solutions alternatives d’emplois, répondant à un besoin local, donc limitant les déplacements, et plus respectueuses de la nature, de l’eau et in fine des habitants.

Au bilan, depuis le début de notre opposition, nous avons été rejoints par de plus en plus d’habitants du territoire et, tous les jours, nous sommes soutenus par davantage d’acteurs associatifs ou politiques, compétents dans divers domaines. Nous attendons maintenant que notre opposition grossisse encore afin que les décideurs politiques locaux trouvent enfin le courage d’envisager d’autres solutions que Bridor-3 à Liffré pour garantir un futur plus résiliant à notre région. Or c’est précisément ce qui fait de ce projet indéfendable tout un symbole, pour les uns comme pour les autres, d’où l’orientation extrêmement politique qu’a pris la situation. Comme on le voit, pour s’opposer à Bridor-Liffré, il n’est pas nécessaire d’être un « ultra » de l’écologie, il suffit juste d’être raisonnable et préoccupé par l’avenir. Certains de nos opposants ne s’y sont pas trompés et ont déclenché cette propagande très agressive à notre endroit pour essayer de faire aboutir le projet le plus vite possible. Pour nous, en revanche, le combat doit continuer. En plus de nos arguments, nous ferons donc tout pour fournir à nos concitoyens cet ingrédient indispensable mais néanmoins de plus en plus rare de nos jours : le temps nécessaire à la réflexion !

Merci de votre attention.